Chaque année le dispositif Budget Citoyen du Département du Pas-de-Calais (ESS 62) offre la possibilité aux pas-de-calaisiens de proposer des initiatives citoyennes. Ces projets sont soumis à un vote citoyen et une rétribution budgétaire est accordé aux lauréats. Pour cette édition 2024, la Cuisine Solidaire, projet porté par les Ateliers de la Citoyenneté, ont été primés. AnimaNews a rencontré Sandrine Mitoire, chargée de mission aux ADLC et coordinatrice de la Cuisine Solidaire pour évoquer la création, le fonctionnement et l’avenir de ce projet citoyen.
AnimaNews : Pouvez-vous nous expliquer la genèse de la Cuisine Solidaire ?
Sandrine Mitoire : La genèse de la Cuisine Solidaire remonte à 2021. Tout commence avec l’enseigne METRO de Calais, confrontée à un problème majeur : un volume important d’invendus en protéines animales. Soucieuse de limiter le gaspillage alimentaire, METRO se tourne vers la Croix-Rouge, organisation spécialisée dans l’aide alimentaire. Cependant, la Croix-Rouge constate que ces invendus nécessitent une transformation avant de pouvoir être distribués à ses bénéficiaires. Face à cette contrainte, elle se rapproche des Ateliers de la Citoyenneté, une association d’insertion professionnelle spécialisée dans la restauration. Les Ateliers de la Citoyenneté, bien que disposant de deux restaurants, n’ont pas les infrastructures nécessaires pour traiter d’importantes quantités de denrées. L’association se tourne alors vers la Communauté d’Agglomération Grand Calais Terres et Mers, qui accepte de mettre à disposition les cuisines du restaurant situé à ICEO. C’est ainsi qu’a vu le jour la Cuisine Solidaire, née d’une collaboration entre acteurs privés, associatifs et publics, pour lutter contre le gaspillage alimentaire tout en favorisant l’insertion professionnelle.
AN : Quel est le fonctionnement de ce projet ?
SM : La Cuisine Solidaire Territoriale fonctionne grâce à un système bien organisé de collecte et de transformation des dons alimentaires. Chaque semaine, elle reçoit des dons de viande et de poisson, ainsi que, ponctuellement, des féculents et des légumes. Ces denrées sont transformées en plats préparés par une équipe composée de 6 salariés en insertion, encadrés par Audrey Verwaerde, encadrante technique des Ateliers de la Citoyenneté. En moyenne, la Cuisine Solidaire produit entre 500 et 700 plats par semaine, soit l’équivalent de 6 à 8 tonnes de viande et de poisson transformés chaque année. Ces plats sont ensuite redistribués pour venir en aide aux personnes en situation de précarité.
AN : Quel est l’objectif de la Cuisine Solidaire?
SM : L’objectif de la Cuisine Solidaire Territoriale est de répondre à plusieurs enjeux majeurs : la lutte contre la précarité alimentaire en redistribuant les plats préparés aux personnes en situation de besoin. La réduction du gaspillage alimentaire en valorisant les dons de denrées invendues. La favorisation par l’insertion professionnelle en offrant aux salariés en insertion une expérience concrète et formatrice dans le domaine de la restauration. Ce projet incarne une démarche solidaire et durable au service du territoire.
AN : Quels sont les acteurs et les partenaires essentiels de ce dispositif ?
SM : La réussite de la Cuisine Solidaire repose sur une collaboration étroite entre plusieurs acteurs clés dont les acteur économiques comme METRO Calais, qui joue un rôle central en fournissant les invendus alimentaires, notamment en viande et en poisson. Mais également les acteurs associatifs comme l’Association d’Entraide du Calaisis (AEC), Les Restos du Cœur du Beau-Marais, l’association SOLAAL ou encore La Maraude de Calais. Ces organisations participent à la redistribution des plats préparés aux bénéficiaires en situation de précarité. Les acteurs publics sont également importants comme la Communauté d’Agglomération Grand Calais Terres et Mers, qui soutient le projet en mettant à disposition les cuisines du restaurant situé à ICEO.
Cette alliance entre secteur privé, associations et acteurs publics illustre une approche collective et solidaire pour lutter contre la précarité alimentaire et le gaspillage.
AN : Pouvez-vous nous définir le budget citoyen ?
SM : Le Budget Citoyen du Département du Pas-de-Calais est un dispositif qui offre aux habitants la possibilité de s’impliquer directement dans la transformation de leur territoire. Il permet de soutenir et accompagner des idées citoyennes qui s’inscrivent dans une démarche d’économie sociale et solidaire, d’innovation sociale et de coopération, en lien avec les compétences du Département. Ces projets participent à la transition économique, environnementale et sociétale du Pas-de-Calais. Il permet également de valoriser et faire connaître des initiatives locales et responsables, qui contribuent au développement de leur territoire. Pour terminer le Budget Citoyen décide par le vote, en orientant une partie du budget de fonctionnement du Département dédié à l’ESS, pour financer les projets proposés par des citoyens. C’est un outil de démocratie participative qui donne aux habitants une vraie voix dans les décisions budgétaires et la mise en œuvre de projets locaux.
AN : Avec ce prix La Cuisine Solidaire sera labélisé ESS, ça consiste en quoi ?
SM : La labellisation ESS joue un rôle clé dans le développement des structures engagées dans l’Économie Sociale et Solidaire: une garantie de conformité : elle assure que les pratiques de l’organisation respectent les principes fondamentaux de l’ESS et les intègrent dans leurs activités au quotidien. Un outil de valorisation : en offrant une identité visuelle distinctive, elle met en lumière les projets et leurs valeurs auprès des habitants et partenaires du territoire. Un vecteur de collaboration : elle facilite les connexions entre les structures labellisées, renforçant le réseau local et les initiatives collectives. Un levier de crédibilité : en légitimant les organisations labellisées, elle leur ouvre les portes des financements et des soutiens, à égalité avec les entreprises traditionnelles.Cette labellisation apporte donc reconnaissance, visibilité et opportunités aux acteurs de l’ESS.
AN: Quel impact le prix Budget Citoyen va t-il avoir sur la Cuisine Solidaire ?
SM : Le prix du Budget Citoyen permettra à la Cuisine Solidaire de bénéficier d’un soutien financier du Département du Pas-de-Calais, grâce au vote favorable des citoyens et à la labellisation des Ateliers de la Citoyenneté dans la catégorie Innovation Sociale. Avec une aide de 16 000 €, ce financement sera utilisé pour soutenir le fonctionnement de la Cuisine Solidaire, notamment en permettant l’achat de denrées auprès des producteurs locaux, favorisant ainsi les circuits courts et l’économie locale et financer les consommables nécessaires à la préparation des plats.
AN : Que peux t-on souhaiter à la Cuisine Solidaire pour son avenir ?
SM : On peut souhaiter à la Cuisine Solidaire une pérennité durable et un impact toujours croissant sur le territoire. Pour garantir cette pérennité, Les Ateliers de la Citoyenneté ont déjà initié une nouvelle étape avec le projet Écosystème Alimentaire Territorial (EAT). Ce projet, qui prolonge l’élan de la Cuisine Solidaire lancée en 2021, vise à répondre de manière encore plus complète à la précarité et au gaspillage alimentaire. L’ambition est de bâtir un modèle économique hybride et durable, combinant : Ressources publiques, dons et mécénats,et recettes commerciales, notamment via la vente de plats préparés au Comptoir de l’Îlot. L’objectif ultime est de créer un écosystème local solidaire, réunissant producteurs, distributeurs, associations, collectivités et bénéficiaires.
Texte: Benjamin Ansel
Dessin: Crocro-Dyle
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